Selon le Livre des Records Guinness, le champion mondial en titre de la résistance au froid se trouve sur notre territoire!
« Les mélèzes (genre Larix) sont les arbres les plus résistants au froid. Parmi eux, le mélèze laricin (L. laricina), originaire du nord de l'Amérique du Nord, principalement du Canada, peut survivre à des températures hivernales allant jusqu'à au moins -65 °C (-85 °F) et se trouve généralement à la limite des arbres arctiques, à la limite de la toundra. » -Guiness |
Mais, comment le mélèze arrive-t-il à résister à des froids aussi sévères?
Nous discutons dans cet article des différentes stratégies employées par les arbres les plus rustiques pour échapper aux gels qui peuvent sévir en hiver chez nous. En plus du Mélèze laricin, nous vous présentons certains des spécimens les plus résistants des climats nordiques. Et puisqu’il est question de l’hiver, nous abordons également la question de la résistance aux sels de rue.
Qu’est-ce qui menace les arbres en hiver?
La déshydratation ou la dessiccation hivernale :
Le vent froid et sec peut entraîner une déshydratation des arbres. En hiver, les arbres ne peuvent pas absorber d’eau à cause du sol gelé, alors que le vent ou les sels peuvent augmenter la perte d'eau par évaporation, en particulier pour les conifères. Cela peut causer des dommages sur les parties exposées de l’arbre.
L’hiver, les végétaux sont soumis à différents cycles de dégel-gel qui se caractérisent par une période douce et venteuse suivie par des jours très froids. Durant les jours plus chauds, l’évaporation de l’eau qui dégèle dans les tissus ne pourra pas être contrebalancée par une montée d’eau en provenant du sol gelé. On appelle ce phénomène « dessiccation hivernale ». Les dommages subis par les arbres seront d’autant plus dévastateurs si l’air est sec.
Le gel et les températures extrêmes :
Les températures hivernales très basses peuvent affecter la santé des arbres en causant des blessures sévères, en particulier chez les espèces à la limite de leur rusticité. De plus, le refroidissement rapide et sévère peut provoquer des fissures dans l’écorce appelées gélivures, en particulier chez les jeunes arbres.
Les sels de rue :
L’utilisation de sels de déglaçage peut entraîner la brûlure des aiguilles chez plusieurs espèces de conifères et la mort des bourgeons chez certains feuillus exposés. L’application fréquente de sels peut entraîner l’accumulation de sel au sol causant déshydratation et stress aux feuillus sensibles.
Pour chacune de ces menaces, nous expliquons comment protéger vos arbres dans cet article de blogue.
Par quels mécanismes les arbres et les arbustes résistent-ils au gel?
Chaque arbre de nos régions nordiques, peu importe son espèce, se protège du gel grâce à ses ressources et aux mécanismes physiologiques qu’il met en place.
L’acclimatation au froid
Tout au long de l’automne, au gré de la diminution de la longueur des jours et de la température, les arbres rustiques se préparent graduellement pour l’hiver, grâce à un processus appelé acclimatation au froid. Cela implique plusieurs changements physiologiques :
L’aoûtement et l’entrée en dormance :
À la fin de l’été, les arbres forment de nouveaux bourgeons foliaires et floraux pour l’année suivante. Les bourgeons foliaires sont protégés des variations brusques de températures et de la déshydratation par des écailles. Les nouvelles tiges de l’année se lignifient. Avec la chute des températures, le métabolisme des arbres ralentit invariablement. Leurs besoins en eau et en nutriments sont réduits. Progressivement, la photosynthèse est mise sur pause et les arbres cessent de croître. Ils sont en mode économie d’énergie.
L’endurcissement :
Au cours de cette étape, la concentration en sucres de la solution à l’intérieur des cellules est augmentée. De cette façon, le point de congélation du liquide est abaissé et les cellules résistent à la formation de cristaux de glace qui leur seraient destructeurs. Aussi, les gras qui composent les membranes cellulaires sont modifiés pour que les cellules maintiennent une fluidité adéquate. Sans cela, le transport des solutés à travers les membranes cellulaires serait affecté.
La modification de la structure de l'eau dans les cellules pour survivre au froid
Les arbres résistent au gel en modifiant la façon dont l'eau se comporte dans leurs cellules :
La surfusion:
Dans certaines parties de l'arbre, l'eau peut être super-refroidie, c'est-à-dire refroidie en dessous de 0 °C sans se congeler. Cela permet d'éviter la formation de cristaux de glace à l'intérieur des cellules.
Le gel extracellulaire :
L’eau contenue dans les cellules peut être envoyée dans les espaces entre les cellules. Ainsi, lors de gels, les cristaux de glace se formeront à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur des cellules, ce qui les endommagerait.
Les espèces d’arbres et d’arbustes les plus résistants au froid au Québec
Certains arbres sont mieux adaptés au climat froid, tandis que d'autres sont plus sensibles aux rigueurs de l'hiver québécois. Théoriquement, la zone de rusticité d’un arbre est un bon indicateur de son degré de résistance au froid. Ainsi, les arbres dont la zone de rusticité est la plus basse sont ceux qui résistent le plus au gel. Mais certains facteurs peuvent faire varier la résistance réelle d’un arbre au cours de sa vie : sa vigueur, sa santé générale, l’acclimatation précédant l’hiver, etc. Quoiqu’il en soit, de façon générale, certaines espèces se démarquent :
Les arbres qui survivent le mieux au gel
Le Mélèze laricin (Larix laricina) (zone 1a)
L’arbre qui résiste le mieux au froid. Il s’adapte aussi aux endroits les plus mal drainés comme les tourbières. Il est très apprécié en aménagement paysager pour sa forme et le jaune brillant de ses aiguilles en automne. Il est un des rares conifères qui perd ses épines, chaque automne, comme les feuillus. Fait intéressant : ses racines étaient utilisées par les autochtones pour assembler les canots d’écorce.
L’Épinette blanche (Picea glauca) (zone 1a)
Cette essence pousse jusqu’au Grand Nord, à la limite septentrionale des arbres. Elle est très résistante au froid et au gel une fois établie.
Le Peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) (zone 1b)
C’est un arbre pionnier, capable de coloniser un site perturbé. Ainsi, il prolifère en plein soleil. Il est largement répandu en Amérique du Nord, de l’Atlantique, jusqu’au Pacifique. C’est un arbre important pour la faune dont le castor, le porc-épic et tous les cervidés.
Les arbustes qui survivent le mieux au gel
Le Thé du Labrador (Rhododendron groendlandicum) (zone 1a)
Le Thé du Labrador possède un feuillage persistant, dont les vertus seraient nombreuses. On le retrouve dans toutes les régions du nord du Canada. De la même famille que le bleuet, il pousse lui aussi en sol acide.
La Viorne trilobée (Viburnum trilobum) (zone 2a)
Cet arbuste est robuste, résistant non seulement au froid, mais à divers autres stress tels que la carence nutritionnelle et le manque de lumière. Son fruit est comestible et riche en vitamine C. Il s’apparente à la canneberge.
Quels sont les symptômes des dégâts de gel sur les arbres et les arbustes?
Plusieurs symptômes sont possibles. Parmi ceux-ci, nous notons:
- Les bourgeons desséchés ou morts, qui ne débourrent pas au printemps.
- Les bourgeons qui éclosent, mais qui ne produisent que des petites feuilles. Par la suite, au début de l’été, on assiste au flétrissement de ces feuilles ténues qui finissent par brunir.
- Le brunissement irréversible des feuilles chez les arbres et arbustes persistants, ainsi que chez les conifères, indiquant qu’elles ont subi des brûlures d’hiver.
- Les craquelures de l’écorce
- Le fendillement du tronc (ou gélivure)
Bien souvent, les symptômes des dégâts de gel n’apparaissent qu’au printemps, après que les arbres ont débourré.
Les sels de rue sont-ils dommageables pour les arbres et les arbustes?
Oui. Les sels utilisés pour l’entretien des routes en hiver ne restent pas toujours sur la chaussée. La pulvérisation par les souffleuses ou les embruns soulevés par les voitures, peuvent atteindre les arbres plantés au bord des routes. Les conifères sont particulièrement sensibles, le sel provoquant la déshydratation et la mort des aiguilles. Chez les feuillus, le sel peut détruire les bourgeons, ce qui entraîne une déformation de l’arbre.
Des feuillus plus tolérants aux sels de rue au Québec
- Le Févier d’Amérique (Gleditsia triacanthos)
- Le Platane occidental (Acer platanoïdes)
- L’Olivier de Bohème (Eleagnus angustifolia)
- Le Lilas japonais (Syringa reticulata)
Des conifères plus tolérants aux sels de rue au Québec
- Le Mélèze laricin (Larix laricina)
- Le Pin noir d’Autriche (Pinus nigra var. austriaca)
- L’Épinette du Colorado (Picea pungens)
Article co-écrit par Audrey Rondeau, Biol., M. Env. et Directrice production et développement, Pépinière Vert Forêt et Suzanne Simard rédactrice spécialisée en horticulture et diplômée comme technologue en horticulture
Références
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Desjourdy, A. (2014). Répertoire des arbres recommandés en milieu urbain. Association québécoise des Producteurs en Pépinière. https://aqpp.org/realisations/publications/repertoire-des-arbres-recommandes-en-milieu-urbain
Hydro-Québec. (2010). Répertoire des arbres et arbustes ornementaux (Quatrième édition). Hydro-Québec Distribution.
Lavallée, A. (1992). Dessication hivernale et gelure printanière. Centre de foresterie des Laurentides. https://ostr-backend-prod.azurewebsites.net/server/api/core/bitstreams/e4f1d9f0-ed70-443f-bd0a-769a0626d2a1/content
Les effets de l’hiver sur les arbres fruitiers | ontario.ca. (s. d.). Consulté 1 novembre 2024, à l’adresse http://www.ontario.ca/fr/page/les-effets-de-lhiver-sur-les-arbres-fruitiers
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Troubles courants des feuillus | ontario.ca. (s. d.). Consulté 6 novembre 2024, à l’adresse http://www.ontario.ca/fr/page/troubles-courants-des-feuillus