Vous avez pris bien soin de votre arbre fruitier, et pourtant, celui-ci refuse de vous offrir le moindre fruit? Ne le prenez pas personnel ! Dans la plupart des cas, il s’agit simplement d’un problème de pollinisation. Pour y voir plus clair, plongeons-nous dans l’univers de la sexualité des végétaux.
La reproduction chez les végétaux
Pour assurer la survie de leur espèce, les plantes ont pour but de se reproduire. Pour ce faire, deux stratégies sont possibles : la reproduction asexuée et la reproduction sexuée.
La reproduction sexuée
Qui dit reproduction sexuée dit aussi pollinisation, et donc brassage génétique. Les descendants qui se développent possèdent un mélange génétique des deux parents. Cette diversité génétique accrue augmente la capacité d'adaptation aux changements environnementaux et aux pressions telles que les maladies et les parasites.
Pour les arbres et arbustes fruitiers, on parle obligatoirement de reproduction sexuée, le fruit n’étant qu’un délicieux véhicule pour les semences.
La reproduction asexuée
Ce type de reproduction ne requiert aucune pollinisation. C’est une seule et même plante qui produit sa descendance à partir de ses propres tissus. Tous les descendants sont génétiquement identiques à la plante mère.
La reproduction asexuée est utile quand il y a peu de plantes de la même espèce dans l’environnement immédiat et qu’il y a peu de chances de recevoir la visite d’un pollinisateur. Ainsi, cela permet à une plante de produire rapidement un grand nombre de descendants sans nécessiter de partenaire, ce qui est avantageux pour la colonisation rapide des habitats. Certaines espèces obtiennent d’excellents résultats de cette façon. Pensons, par exemple, au phragmite qui obtient un succès planétaire, au détriment des espèces locales.
C’est également de cette façon que les jardiniers reproduisent les variétés à succès. Que ce soit par bouture, greffe, marcottage, division, le jardinier produit des clones.
Boutures en serre
La pollinisation : comment ça fonctionne ?
La pollinisation chez les végétaux est le transfert de pollen des anthères (partie mâle de la fleur) au stigmate (partie femelle). Cela peut être réalisé par le vent, l'eau, les animaux (insectes, oiseaux, chauves-souris), ou par autogamie (autopollinisation).
Une fois sur le stigmate, le pollen germe et produit un tube pollinique qui traverse le style pour atteindre l'ovule, permettant ainsi la fertilisation et la formation des fruits et des graines. La pollinisation est essentielle pour la reproduction des plantes et la diversité génétique.
Pour nous aider à comprendre et prédire la reproduction des plantes, les botanistes ont classé les espèces végétales en utilisant le sexe comme principe classificateur.
Les espèces hermaphrodites
Les fleurs des espèces hermaphrodites portent à la fois l’organe mâle (étamine) et l’organe femelle (pistil ou carpelle) sur une même fleur. C’est le cas, par exemple, des fleurs de pommiers, de cerisiers ou d’érables.
Figure : Anatomie d’une fleur typique chez les espèces hermaphrodites
Les espèces monoïques
Elles possèdent des fleurs mâles et femelles distinctes sur un même plant (ex. : le noisetier).
Théoriquement, les plantes monoïques et hermaphrodites ont la capacité de s’autopolliniser. Cependant, le pollen doit parfois venir d’un autre individu pour être « accepté ». Il faut donc un deuxième arbre de la même espèce à proximité, mais d’une variété différente, et qui fleurisse en même temps. Par exemple, un verger composé à 100 % de pommiers ‘McInthosh’ aurait un rendement extrêmement faible. Ajoutez une deuxième variété et le rendement sera au rendez-vous.
Quand un arbre monoïque ou hermaphrodite produit des fleurs sans aucun fruit, c’ est habituellement parce qu’il lui manque un partenaire compatible à proximité. En identifiant la variété et en plantant une variété compatible, le problème se règle de lui-même.
Les espèces dioïques
Elles ne présentent que des fleurs d’un seul sexe sur un même plant. Ainsi, les plants mâles ne portent que des fleurs mâles, et les plantes femelles ne portent que des fleurs femelles. Pour qu’il y ait fécondation et production de fruits, il faut un plant mâle et un plant femelle qui fleurissent au même moment.
Quand un arbre dioïque bien entretenu fleurit, mais qu’il ne produit jamais de fruits, une des causes plausibles est que ce soit un mâle ou une femelle sans compagnie. Il lui manque, à ses côtés, un arbre du sexe opposé et de la même espèce.
La connaissance des arbres et des arbustes dioïques est utile lors de la planification d’une plantation. Vous savez ainsi qu’il faut envisager l’achat d’au moins un plant mâle et un plant femelle de la même espèce pour obtenir des fruits (sur le plant femelle). Cependant, il est très souvent difficile de déterminer le sexe d’une plante. Statistiquement, il est donc recommandé de vous procurer un minimum de deux plants afin de vous assurer d’obtenir des plants des deux sexes. Ainsi, la pollinisation sera possible.
Des exemples d’arbres et d’arbustes dioïques au Québec
Les arbres
- Le Frêne d’Amérique (Fraxinus americana)
- Le Frêne Noir (Fraxinus nigra)
- Le Ginkgo ou l’Arbre aux Quarante Écus (Ginkgo biloba) : Ses fruits sont malodorants. Pour cette raison, on ne trouve souvent que des arbres mâles sur le marché.
- Le Genévrier de Virginie (Juniperus virginiana) : Le ratio en milieu naturel est de 1 plant mâle pour 1 plant femelle
- Les Peupliers (Populus spp)
- Les Saules (Salix spp)
Les arbustes
- Le Kiwi Arctique (Actinidia kolomikta) : Le ratio minimal suggéré est de 1 plant mâle pour 5 à 7 plants femelles
- L’Argousier Faux-Nerprun (Hippophae rhamnoides) : Le ratio minimal suggéré est d’environ 1 plant mâle pour 6 plants femelles
- Le Houx Verticillé (Ilex verticillata) : Pour une abondance de petits fruits rouge vif, un ratio de 1 plant mâle pour 5 plants femelles est suggéré.
- L’If du Canada (Taxus canadensis)
- La Vigne Sauvage (Vitis riparia)
Comment savoir si mon arbre dioïque est mâle ou femelle ?
Durant la floraison, observer la présence de fleurs mâles ou femelles reste la seule façon de connaître le sexe de votre arbre dioïque. L’arbre mâle produit du pollen qui apparaît souvent sous forme de poudre jaune au bout des étamines. En touchant les fleurs mâles, le pollen jaune reste sur les doigts. Quant aux fleurs d’arbres femelles, elles ont généralement des ovaires bien développés. Si vous avez du mal à identifier le sexe de vos arbres, l’important est de savoir s’ils sont différents l’un de l’autre. Alors, comparez ceux d’une même espèce. Ils doivent avoir des fleurs différentes sur chaque arbre séparément.
La biodiversité et la protection des pollinisateurs
En ayant une meilleure compréhension des modes de reproduction des arbres, les jardiniers et les producteurs fruitiers peuvent optimiser la production de fruits et favoriser la diversité génétique des végétaux. Ils sont en mesure de choisir judicieusement les espèces végétales et les combinaisons à planter au jardin.
De surcroît, soulignons l’importance du rôle des pollinisateurs dans la reproduction de plusieurs plantes. Leur déclin, causé par les pesticides, la perte d'habitat et les maladies, menace la biodiversité et la stabilité des écosystèmes. En les protégeant, nous préservons la santé de notre environnement et la sécurité alimentaire.
Article co-écrit par Audrey Rondeau, Biol., M. Env. et Directrice production et développement, Pépinière Vert Forêt et Suzanne Simard rédactrice spécialisée en horticulture et diplômée comme technologue en horticulture.